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d'autres copains. L'une transportait les affaires du bureau de la 5° Cie et l'autre de
l'habillement. Notre colonne se composait donc dorénavant de 3 voitures et 9 hommes.
Inutile de dire que cette rencontre providentielle causa, à chacun d'entre nous, un vif plaisir.
Qu'étaient donc devenus les copains, isolés de la troupe, peut-être avaient-ils été blessés,
faits prisonniers, c'était à qui poserait les questions mais pour autant nous n'avions pas de
réponse et aucune nouvelle des autres. Pour nous désormais, la 5° Cie de Parc était
représentée par l'effectif restreint de 9 hommes et 3 voitures...
Après avoir consulté la carte, on mit les moulins en route pour se diriger vers Beaune ; le
carburant devenait, une fois de plus, la question primordiale . En se renseignant, on apprit
qu'existait, à 500 mètres de la sortie de la ville, un dépôt d'essence où pouvoir s'en procurer.
Le plein effectué, on reprit la route au milieu des convois croisant des femmes, des jeunes
filles, des enfants à vélo, ainsi que des facteurs des postes qui venaient de Reims. Des
réfugiés s'entêtaient à vouloir faire repartir un moteur qui avait rendu l'âme et d'autres
sollicitaient au passage quelques litres d'essence. En vain, chacun n'étant pourvu que du
strict nécessaire. Il n'était donc guère possible de répondre aux supplications de ces braves
gens. L'ordre était formel : rejoindre coûte que coûte et à tout prix la ville de Beaune. A peu
de kilomètres de Dijon, notre ami Bartier s'aperçoit en consultant la carte, que la route
nationale que nous suivions, passait non loin d'un tout petit village du nom de Fexin où il
savait qu'une de ses tantes s'était retirée. Cela méritait le détour. Parvenus à l'adresse, le
lieu était déserté, les habitants étant partis le matin même pour une destination inconnue. 11
heures 45, heure de la soupe du soldat, on décida de déjeuner ignorant si le soir nous
pourrions dîner. Installés dans l'unique café du village situé auprès d'une gare miniature et
sans trop penser que les allemands pouvaient nous y rattraper, nous fîmes un bon repas
composé de conserves, n'ayant rien trouvé d'autre dans ce petit bled.
Puis , convaincus que l'on avait semé l'ennemi, allongés dans l'herbe, au soleil, nous avons,
jusqu'à 15 heures, récupéré un peu de force avant de reprendre la route nationale où nous
attendait toujours la même cohue de voitures de tout tonnage roulant à petite vitesse et
s'arrêtant tous les 15 à 20 mètres. L'énervement était à son comble, d'autant qu'un avion
nous survolait constamment nous obligeant souvent à courir nous allonger dans les
ruisseaux ou dans les vignes. Heureusement ces visites répétées ne se terminaient que par
des tirs de DCA. L'ennemi aurait pu, en lâchant quelques bombes meurtrières faire une
hécatombe sans précédent. Sans doute, les allemands sentaient la partie gagnée et
jugeaient qu'il était inutile de faire plus de victimes Toutefois, jamais nous n'avions constaté
pareil désarroi parmi le personnel des convois ; le bruit se répandait que l'ennemi était sur
nos talons, l'affolement était général chez les civils. C'était à qui doublerait l'autre, ce qui
amenait une perturbation plus grande encore dans la marche, déjà lente, des convois. Seuls
les motocyclistes arrivaient à doubler toutes les colonnes. Dieu sait combien il en passa,
civils, gendarmes, gardes mobiles, soldats de toutes armes, pompiers, agents, etc. Un
malheureux soldat, voulant doubler un camion, eût la roue avant accrochée par celui-ci, il
passa au-dessus de son engin, malgré la rudesse du choc et ses blessures, il eût la force de
se remettre sur les genoux avant de retomber aussitôt. La grande faucheuse avait fait son
oeuvre.
Pour la troisième fois on était à court d'essence. Vainement nous avons sollicité les véhicules
militaires. De guerre lasse, je me décidais, un bidon de 50 litres vide sur l'épaule, d'aller en
demander à la citerne d'un régiment que j'avais remarquée à environ 500 mètres. On m'en
donna 3 litres, quantité nécessaire pour finir l'étape où l'on arriva vers 22 heures. On put se
restaurer dans un café rempli par la troupe. Les soldats nous ont offert gentiment viandes et
pâtés qu'on avala difficilement car chacun de nous n'avait guère faim, on goûta plutôt le vin
rouge de l'endroit... Afin de pouvoir prendre un peu de repos, on décida de garer les voitures
hors de la ville et de les prendre pour dortoir, ce que l'on fît. Ayant trouvé difficilement ce qu'il
nous fallait, je me suis débandé les bandes molletières et déchaussé. Je me suis installé sur