Page 8 Memoire_Daveloose
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peu confortablement installés, enveloppés dans leur manteau, dormaient, je me promenais
sur la route, regardant les convois composés d'autos, de camions, etc, qui défilaient sans
discontinuer. J'essayais d'apercevoir un des nôtres car nous étions seuls et isolés de la
colonne depuis Neufchateau, mais en vain. Les amis ayant dormi environ 20 minutes, nous
avons repris la route en prenant place parmi les colonnes qui roulaient à vive allure, vers un
même point. A l'entrée de Langres, ça bouchonnait. Profitant de l'immobilité des grosses
voitures, nous nous sommes faufilés afin de prendre un peu d'avance sur les camions qui ne
pouvaient manœuvrer et doubler aussi facilement que nous avec notre voiture de tourisme.
Enfin, on put démarrer franchement et emprunter une route différente de celle désignée aux
convois civils. On s'achemina lentement dans un chemin bordé d'arbres, ne voyant pas à 1
mètre devant nous. Enfin arrivés dans la ville, on se gara et chacun s'installa pour dormir.
Les émotions, les fatigues de la journée et d'une grande partie de la nuit, nous ayant
exténués, on s'endormit très vite malgré le vacarme des convois. Après ce repos de 2 heures
(de 2 à 4 heures), une désagréable surprise nous attendait, le réservoir était presque vide et
ce qui restait était insuffisant pour nous permettre d'atteindre Dijon.

Samedi 15 Juin


Il fallut se mettre à la recherche d'essence. Dame Providence qui veillait sur nous vint encore
à notre aide et on put profiter d'un bidon abandonné. Une quinzaine de litres de ce carburant
put être versée dans le réservoir. A 4 h 35, on remit le moteur en marche et l'on poursuivit
notre triste odyssée, nous joignant tantôt à des convois militaires, tantôt à des convois civils.
A environ 10 kilomètres de Dijon, comme à l'entrée de Langres, on nous sépara des
colonnes de réfugiés. Dès que l'on put, à notre tour, nous engager sur la route dégagée des
civils , on accéléra, mais pas pour longtemps, car des bombardiers nous survolaient. Ils
lâchèrent bientôt leurs bombes, quelques unes tombèrent dans les champs en bordure de
route, l'une d'elles coupa le chemin arrêtant du même coup la circulation. Il fallut stopper,
remblayer une partie de la grande excavation que cette bombe avait faite ce qui permit
d'autoriser les voitures légères de doubler les poids lourds, de passer et de continuer leur
route. Avec notre voiture de tourisme, nous avions cette chance. Laissant le convoi derrière,
nous nous arrivions à Dijon vers 7 heures 45.


Comme d'habitude, embouteillage, pose, remise en route, nouvel arrêt, etc. Après que l'on
ait pu se dégager de ce piège et entrer dans la ville, nous avons cherché une petite rue où la
circulation n'était pas trop dense. On arrêta. Laissant la garde de l'auto à Bartier et Bouchez,
nous sommes partis recherche du bureau de la place pour prendre les ordres. On constata
que Dijon, ville animée, n'avait rien connu de la guerre, n'ayant jamais eu à faire face à des
alertes. Ses habitants semblaient couler des jours heureux, bien que chez certains d'entre
eux, on remarquait des visages graves et anxieux, mais pas ce regard vraiment triste que
l'on pouvait voir chez les habitants de chez nous qui avaient déjà connu durant la grande
guerre, les misères d'un pareil cataclysme. Après avoir bien cherché, on finit par découvrir ce
fameux bureau. Nous étant fait connaître, on nous donna l'ordre de nous diriger vers Beaune
où l'on devait être triés et envoyés sur Chagny. Là nous devions nous regrouper avec le 6°
B.O.A . Munis de ces renseignements, on s'en retourna vers la voiture tout en prenant le
temps de faire notre marché. Nous avons acheté : pain, fromage, bananes et une bouteille
de vin qui allaient constituer notre déjeuner car il était 9 heures. Pendant que l'on procédait à
ces achats, des avions ennemis survolaient la ville poursuivis par les tirs de la DCA., fait
exceptionnel dans ce coin, qui a du jeter la panique parmi la population civile.

Après avoir rejoint les copains à qui nous communiquâmes le nouvel itinéraire, nous avons
cassé la croûte, ce qui n'était pas un luxe, notre estomac n'ayant pas été alimenté depuis la
veille à 8 heures du matin ! On mangeait donc avec appétit, devisant sur ce nouvel itinéraire
qui nous avait été indiqué. Le hasard faisant bien les choses, à l'entrée de la rue où nous
étions garés, deux camionnettes militaires surgirent desquelles on vit sortir avec joie, Tillié et
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