Page 14 Memoire_Daveloose
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sonna au clocher du village, à notre étonnement, on compta 7 coups. On procéda à une
distribution de repas froids : pain, saucisson, vin et l'on s'installa du mieux que l'on put, sur
un tronc d'arbre. On mangea avec délice notre copieux repas rehaussé des fraises données
par une brave personne du village. La discussion s'engagea sur les moyens de fortune que
nous avions pour dormir, un villageois nous offrit sa grange à foin qu'on accepta avec joie;
puis désireux de connaître les nouvelles, on se rendit dans un petit café pour en prendre un
additionné de marc. Les informations que diffusait la TSF jetaient dans nos coeurs de plus en
plus d'amertume, aussi décida-t-on d'aller nous coucher. On passa prendre nos couvertures,
les toiles de tente et partîmes à la découverte de notre dortoir. Bien que delui-ci ne fut qu'un
abri ouvert à tout vent, ce qui nous souriait était une très épaisse couche de foin qui sentait
bon la campagne. Je me déshabillais et, près d'André, m'allongeais dans un sac à viande,
couvert d'une couverture et de nos manteaux. Bien nous en a pris, car les nuits dans ces
régions sont froides alors que les journées sont chaudes. Partageant avec André la même
couchette, on s'endormit très vite d'un lourd sommeil car cette journée avait été très fatigante
et fertile en émotion.
Jeudi 20 Juin
Après une bonne nuit, Bartier et moi, nous nous réveillâmes à 8 h contents de ce bon repos.
Après nous être habillés et fait de notre literie de fortune, un paquet, nous avons rejoint le
cantonnement. Le Capitaine, très matinal, était déjà parti aux renseignements. Munis de nos
quarts, on se présenta à la distribution de café, qu'un gars complaisant arrosa de rhum, puis
on profita du beau temps pour faire notre toilette en plein air. Entre-temps, notre officier était
revenu sans renseignement officiel mais avec un tuyau pour obtenir de l'essence, liquide très
précieux et très rare, aussi commanda-t-il aussitôt un camion chargé de bidons vides et
donna l'ordre à Bartier d'accompagner le chauffeur. Le Capitaine, suivi du camion, s'en fut
aux approvisionnements, non sans avoir auparavant donner l'ordre de préparer la soupe et
de la tenir prête pour la manger tôt.
A son retour, il rassembla les sous-officiers et leur communiqua le nouvel itinéraire. Ce
dernier nous envoyait plus au sud. Au cours de l'entretien, il nous apprit que la ville de Saint-
Flour qu'il venait de nous indiquer comme but de cette nouvelle étape lui avait été
communiquée par la Place, mais qu'il n'était pas certain que l'on puisse traverser et sortir de
Clermont-Ferrand. On y procédait à un regroupement de soldats de toutes armes pour
former des corps volants destinés à stopper l'avance de l'ennemi. Nantis de ces
renseignements, somme toute assez vagues, mais surtout peu encourageants, on mangea la
soupe à 10h45. Le repas terminé, on organisa de nouveau la colonne qui s'ébranla derrière
la voiture du chef de convoi ; il était exactement 11h30.
A 2 kilomètres de l'entrée de Clermont-Ferrand : ordre de stopper le convoi. L'officier nous
donna la mission d'avertir tous les hommes qu'ils devaient rester auprès de leur voiture avec
interdiction de la quitter pour quelque raison que ce soit, et donc de se promener ; il me
précisa bien "Quoiqu'il arrive et quoique l'on vous dise, vous restez et vous m'attendez."
L'attente dura environ 30 minutes, à son retour il n'avait rien à nous dire et il retourna aux
renseignements tout en recommandant de respecter toujours les mêmes consignes. Cette
fois il repartait suivi d'une autre voiture en vue de faire le ravitaillement. De là où nous étions,
on pouvait voir les montagnes du Puy et le Puy de Dôme. On tua le temps en devisant entre
nous et en regardant passer des convois de troupe et de civils. Des gendarmes longeaient
souvent notre colonne bien rangée sur la droite, allant de la tête à la queue avec la volonté
affichée de nous interpeller et de nous réquisitionner. Ils ne nous ont pas précisé pourquoi…
Les allées et venues du Capitaine avaient-elles été remarquées ? Etait-ce la raison ? Enfin
notre officier revint au bout d'une heure et rassembla tous les gradés, il nous tint ce langage :
"La traversée de Clermont-Ferrand n'est pas sûre, on peut nous repousser si nous ne faisons
pas figure d'une colonne entière et disciplinée, aussi voilà mes recommandations : plus de