Page 6 Memoire_Daveloose
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nous avons enfin pu nettoyer cette pompe et essayer de reprendre notre place dans la file
des autos. Ce n'était pas chose facile, chacun étant désireux de quitter au plus vite cette
zone dangereuse, sachant bien que l'ennemi reviendrait dès que possible bombarder de
nouveau.

Après le bombardement et pendant que nous dépannions la voiture, la route fut déblayée et
les camions et autres véhicules qui se trouvaient derrière nous, dès que le chemin fut libre,
nous ont doublés. La réparation achevée, nous reprîmes place dans ce cortège de misère.
Croisant alors l'officier chargé du convoi, nous lui avons demandé quels étaient les ordres. Il
nous dit d'aller de l'avant coûte que coûte sans nous occuper de se qui se passait devant ou
derrière nous. Suivant les instructions, nous ne pensèrent plus qu'à nous-mêmes. Au ralenti,
on suivit la colonne, passant auprès des débris de voiture, laissant le long du chemin de
malheureuses victimes civiles et militaires. Dès que cela fut possible, avec notre voiture de
tourisme, nous avons remonté la colonne, espérant qu'à l'arrivée à Juzennecourt nous
pourrions nous y installer et nous y reposer à l'abri du danger. C'est donc à toute pompe que
nous avons filé en direction de Chaumont traversant Saint-Blin et Andelot. A environ 10
kilomètres de Chaumont, nous devions quitter la route nationale pour aller sur Bologne, mais
dans la mi-obscurité de la nuit tombante, nous avons raté le croisement et ne sommes
arrivés à Chaumont qu'à 22 heures.

Le trajet entre Neufchateau et Chaumont se fit sans incident, à un détail près que je tiens à
signaler. Avant de quitter Neufchateau, nous vîmes arriver vers nous des infirmiers affolés,
les mains tachées de sang qui tenaient des linges ensanglantés, nous demandant des
camions pour transporter et évacuer environ 150 blessés. Ces pauvres gars nous suppliaient
presque, nous disant que majors et infirmières avaient quitté l'hôpital leur donnant l'ordre de
prendre en charge l'évacuation des blessés et du matériel. Hélas, nous ne pouvions, à notre
grand regret leur donner satisfaction, nos voitures étant très chargées. Quelques kilomètres
plus loin, nous avons croisé médecins et infirmières; ces dernières bien fardées, la cigarette
aux lèvres, riaient comme des folles en écoutant les bêtises des majors. Plus loin, on vit de
malheurex soldats dont la fatigue nous rendait profondément tristes. Ces pauvres garçons
s'enfuyaient en poussant devant eux jusque des voitures d'enfant dans lesquelles ils avaient
mis sacs et fusils devenus trop lourds pour leurs épaules lasses et meurtries.

Drôle de guerre ! Chaumont : à 22 heures, nous faisions notre entrée dans cette ville qui
semblait entièrement endormie. Arrivés sur une petite place, nous avons questionné
quelques personnes qui, à notre grande surprise, nous apprirent que les habitants avaient
évacué dans la proportion de 75%. Ces dames que nous croisions étaient, elles-mêmes,
réfugiées ; nous leur avons demandé la route à suivre pour nous rendre à Bologne. Elles
nous firent répéter plusieurs fois le nom de cet endroit, elles nous regardaient avec des
visages étonnés ne masquant pas leur surprise. Bien que nous nous en sommes aperçu,
nous n'y avons pas attaché d'importance, pourtant cela aurait pu nous être funeste. Enfin, ne
pouvant tirer de ces bonnes femmes les renseignements qui nous intéressaient, nous
sommes partis au hasard. Arrivés sur une autre place où se
trouvaient civils et soldats, on ne put davantage être renseignés sur le chemin à suivre.
Dépités, nous sommes remontés en voiture et avons roulé dans la nuit sans phare, jusqu'à la
sortie de la ville. Là, nous avons repéré un groupe de soldats accompagné d'un Lieutenant.
Nous avons demandé à l'un d'eux la route de Bologne à Juzennecourt.
Il nous répondit par une question : "Montez-vous en ligne pour prendre position ?" A notre
réponse négative, il nous dévisagea avec stupeur et nous dit : "Alors que faites-vous ici ? les
allemands sont dans le bois que vous voyez à droite devant vous et occupent également
Bologne ! Voyez, nous étions 30 hommes et il ne reste qu'un officier et 3 soldats, je vous
conseille de partir en vitesse, prenez la rue que vous voyez sur la gauche, elle vous mènera
vers l'intérieur si vous ne voulez pas être prisonniers".
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