Page 10 Memoire_Daveloose
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la banquette avant, Marcel lui avait pris place sur la banquette arrière pendant que les autres
préparaient leur campement à même le sol. Il pouvait être à ce moment minuit.
ITINERAIRE SUIVI DE CHAUMONT A BEAUNE : MONTIGNY-LE-ROI , (CLERMONT),
LANGRES, DIJON, BEAUNE.
Dimanche 16 juin
Malgré le peu de confort que pouvait nous donner la voiture je m'endormis d'un sommeil
profond jusque 4 h 30, heure à laquelle on vînt me réveiller. Je fus réveiller deux fois cette
nuit là. Ce fut pour m'annoncer que Tillié, complètement épuisé, avait eu une syncope,
j'ouvrais les yeux pour les refermer aussitôt et c'est Marcel Bouchez qui, les deux fois, se
rendit auprès du copain. Alors que je m'habillais, l'ami Sam, désirant obtenir des indications
sur la route à suivre, parlementait avec deux jeunes femmes. Mal lui en a pris, car, celles-ci,
croyant avoir affaire à des hommes de la 5° colonne gardaient un silence profond, elles
semblaient pétrifiées de peur et l'une d'elles trouva le moyen, après avoir fait un effort
surhumain, de dire au copain "Ici, à Beaune, nous avons l'ordre de ne rien dire". Déconfit,
Sam revînt à la voiture et l'on prit ta route qui s'offrait à nous et qui menait à travers champs
dans une direction inconnue, nous en remettant à la Providence.
En roulant et malgré le tragique de la situation, nous ne pouvions nous empêcher de rire de
la méprise de ces pauvres femmes que nous avions laissées, emplies d'effroi, sur le bord du
chemin. On arriva sur une route plus large et sur les indications d'un chauffeur en panne
d'essence, on put rejoindre la route Beaune-Chagny. On put rouler à une vitesse plus grande
que les jours précédents, la route étant moins encombrée. Arrivés à Chagny, un service à la
circulation fit stopper les convois civils pour laisser avancer les colonnes militaires. Dès que
cela fut possible, nous nous dirigeâmes vers un endroit qui nous semblait plus tranquille.
Laissant nos autres amis, Tillié et moi sommes allés prendre les ordres au bureau de la
place. Nous supposions, en effet, que le cantonnement serait fixé à l'endroit où nous étions
parvenu. Déjà heureux de terminer cette course éperdue, notre stupéfaction fut grande
d'apprendre qu'il nous fallait partir pour Curdin, sans avoir pu obtenir d'autres précisions.
Lorsque nous rejoignirent les copains, ils nous apprirent que le capitaine se trouvait dans la
localité. Nous avions perdu celui-ci, qui était chef de colonne au départ de Verdun, à la sortie
de Neufchateau. On vit ensuite arriver la camionnette de cuisine avec un maréchal des logis
et 2 hommes et une autre avec des sapeurs pompiers de Paris en subsistance à la Cie au
départ de la Citadelle. Ensemble, on consulta la carte. Sam s'étant renseigné auprès des
habitants, on décida de notre itinéraire, passant outre les états d'âme de Tillié qui voulait voir
son capitaine, et ne jurait plus que par lui depuis qu'il le savait dans la ville. Après avoir,
Louradoux et moi, repéré les rues aux accès les plus faciles, l'itinéraire décidé fut le suivant :
CHAGNY , SAINT-LEGER, BLANZY, MONTCEAU-LES-MINES, DIGOIN,CURDIN.
Nous partions mais n'étions pas bien loin lorsque l'on vit arriver le Capitaine Moulet. Ce que
j'avais supposé se produisait, l'officier après avoir bavardé avec Tillié, nous donna l'ordre
d'aller nous ranger derrière la gare et de l'attendre. Il était 7 h 50. L'endroit indiqué se trouvait
près d'un pont de chemin de fer, ce qui n'était pas le plus judicieux en pareille circonstance
car les avions, qui nous survolaient toujours, auraient pu nous envoyer leurs bonbons. On
attendit jusque 10 h 30 et la voiture du capitaine arriva. Tillié, enfin rassuré, gai et rajeuni, me
cria, assis auprès de son officier: "Suivez-nous". J'étais tellement exaspéré de cette perte de
temps que je lui lançais le mot bien français de Cambronne. On suivit, le temps était beau, le
ciel clair, le soleil éclatant. Dès la sortie de la ville, on longea un canal et aussitôt on fut en
pleine campagne. Les paysages étaient splendides, mais à ces merveilles on ne trouvait,
hélas, aucun charme ; la pensée des nôtres ne nous quittait pas et si, en apparence, nous
étions résolus et forts, nos cœurs souffraient. Cette partie de France est assez accidentée et
peuplée. On rattrapa bien vite le Capitaine qui, de la berge du canal, s'intéressait à la pêche.