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AVANT-PROPOS
Plus de 60 ans se sont écoulés depuis ces événements. La petite fille dont il est question
c'est moi. Comment ai-je retrouvé ce carnet à l'origine de ce témoignage? Par le plus pur des
hasards, en recherchant autre chose. Il a été miraculeusement sauvé d'une disparition
certaine par ce que dans cette boîte à souvenirs, je l'y avais enfoui, depuis sans doute 40
ans. En effet, elle contenait des courriers tout à fait oubliés qui remontent à mon année
parisienne. Pourquoi ce carnet était-il là, mystère, car je ne me souviens absolument pas en
avoir pris connaissance un jour. Ecrit si petit, ce récit m'a donné du fil à retordre pour le
déchiffrer. Heureusement que les moyens modernes nous permettent facilement de nous
tirer d'affaire. Une photocopie agrandie et on y voyait déjà mieux. Il me restait à me
familiariser avec les noms des patelins traversés au cours de cette odyssée. Là encore les
difficultés m'attendaient. Je n'arrivais pas toujours à les lire correctement et les cartes furent
souvent consultées. De même en est-il pour les noms de famille, il se peut que j'ai pu
commettre des erreurs.
De plus, il me paraissait y avoir dans ce récit des incohérences; ainsi la cérémonie "funèbre"
de Roquecourbe pour la signature de l'armistice le 25 juin alors que l'armistice avait été
signée le 22 ! Mais, si on fait retour sur les quelques jours précédents, on remarque que la
poste, le télégraphe et le téléphone ne fonctionnaient plus ! Sans doute a-t-il fallu le temps
que les nouvelles parviennent et que l'on s'organise. Pour la compréhension , j'ai donc un
peu triché, car le récit laissait supposer que l'armistice avait été signée le 25 juin et non le 22.
C'est très exceptionnel. J'ai tenté de rester fidèle au texte au point que les phrases peuvent
paraître parfois prendre des libertés avec la langue de Molière ; mais je pense que le
contexte psychologique et les conditions particulières justifient pleinement le fait que l'on ne
se souciait pas, à ce moment là. de faire de la bonne littérature mais uniquement de tenter
par l'écriture de soigner une partie de ses souffrances intérieures. Il me fallait donc laisser la
plus grande place possible au " ressenti". J'espère avoir réussi ce devoir de mémoire.
A présent, je peux moi-même exprimer mon sentiment à la lecture de ce récit. D'abord, le
petit carnet a été utilisé jusqu'à la dernière ligne. Y a-t-il eu une suite, puisque mon père n'est
pas resté à Roquecourbe et que j'ai davantage entendu parler de Durenque, lieu où il est
resté avant de rejoindre Rodez et le Foirait... J'ai donc un goût d'inachevé. Sur les
événements de cette période, je ne peux être que très critique et honteuse que notre pays ait
pu subir une telle avanie. Ces évacuations qui ne ressemblaient à rien, cette débandade de
notre armée où ordres et contre-ordres semblaient rythmer le quotidien, cette fuite devant
l'ennemi qui était partout à la fois... Comment ne pas ressentir un profond écœurement et
l'envie de crier, 60 ans après, au scandale et à la trahison!
J'ai, moi aussi, raconté ma "guerre". Curieusement j'écris que ce fut pour moi une période
heureuse et c'est vrai. C'était après les événements relatés par mon père. Pour la petite
histoire, nous avions, nous aussi, évacués, ce qu'il ignorait manifestement et avions atterri à
Regnauville. Môme de cet épisode , certainement très douloureux pour les adultes qui l'ont
vécu, je ne garde que de bons souvenirs. Je ne sais comment nous y sommes parvenus, ni
comment nous en sommes repartis ! Curieux phénomène....
Claudine DAUPHIN - Janvier 2005