Page 21 Memoire_Daveloose
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donné l'hospitalité. Ce fut peine inutile, levées de grand matin, elles étaient là, à nous
attendre, avec un café bien chaud et du rhum. On les remercia vivement de leur gentillesse
et l'on partit vers le cantonnement. Les cris des soldats, le ronronnement des moteurs nous
annonçaient que tout était prêt pour former la colonne. Celle-ci quitta la petite ville de
Naucelle à 6h. Cette dernière étape, je devais la faire dans notre voiture en compagnie de
Sam et de Marcel Bouchez. Ce voyage fut sans histoire mais s'effectua sous une pluie
battante et un vent soufflant en tempête. On arriva sur la petite place de Roquecourbe à
10h30. Le 22 juin, jour de deuil pour la France, l'armistice avait été signée. Sur cette place de
Roquecourbe étaient rassemblés en vue de se rendre au monument aux morts de la guerre
14-18, les membres de la municipalité, les anciens combattants, les enfants des écoles et les
habitants. On vit arriver un gros détachement du PRA déjà installé dans la ville, les hommes
armés, en casque et tenue de drap. Le cortège s'organisa et se mit en marche vers le
monument insensible à la pluie et au vent qui soufflait avec rage. Le manteau jeté sur mes
épaules, je vins rendre un pieux hommage à ceux qui en cette dernière comme à la grande
avaient versé leur sang pour leur pays.

La cérémonie achevée, je revins sur la place où j'avais laissé les copains, bien à l'abri de la
flotte en dessous des arcades. Le groupe des sous-officiers se trouvait augmenté des
officiers. Le Commandant Serval me chargea de loger les officiers. Le Chef d'escadron était
arrivé depuis 2 jours et logeait au seul château du patelin. On revit avec plaisir le Capitaine
Mounier avec un détachement se composant de quelques voitures ce qui amenait notre
effectif à 114. J'allais voir le Maire et en compagnie de celui-ci me rendit à la gendarmerie. La
discussion porta surtout sur le logement des officiers. Monsieur le Maire m'avertit qu'il lui était
impossible de loger les sous-officiers autres que les adjudants. Je saisis l'occasion et
tombais d'accord non sans avoir gonflé l'effectif des officiers de deux hommes. Cela me
permit de les caser mais également de donner une chambre à Tillié et Sam et une pour
Marcel, lequel, seul et devant une hôtesse exigeante, préféra coucher dans une chambre
commune, paillasses par terre avec d'autre Logis. Pour Bartier et moi, j'ai pu décrocher une
chambre avec un lit de 2 personnes chez Mr et Mme Bouche. Les hommes étaient quant à
eux logés dans le cantonnement préparé avant que nous arrivions, c'est-à-dire dans un
hangar de ferme dans laquelle on avait déjà installé la cuisine. 13 heures, j'allais à la popote
de l'ordinaire pour un repas avalé à la hâte, puis me rendais à l'endroit que l'on m'avait
indiqué pour installer le bureau. Jugeant l'habitation peu confortable et surtout trop éloignée,
je revis le Maire qui, gentiment, mit à ma disposition une petite salle de la Mairie. Je fis faire
l'installation et aussitôt mon premier travail fut d'écrire à mes êtres chers sans grand espoir
que mon courrier puisse arriver à destination. Après avoir déchargé la voiture, fait porter les
musettes d'André Bartier et les miennes dans la chambre, on procéda à notre toilette. A 18 h,
on alla à la soupe, mangeant dans une gamelle, les uns assis sur l'herbe, d'autres assis sur
un muret ou encore sur du matériel de ferme. Cette installation de romanichels ne me plaisait
pas et apprenant que nous étions à Roquecourbe jusqu'à notre démobilisation, je me
décidais à chercher une salle à manger pour les sous-officiers. Je l'ai trouvé dans un café
aux mêmes conditions qu'à Naucelle.


Mercredi 26 et jeudi 27 Juin

Jours creux, sans beaucoup de travail, mes pensées vagabondent dans ce petit coin du Nord
où j'ai laissé tout ce que j'ai de plus cher; l'obsession qu'il puisse leur être arrivé malheur me
torture et je continue à gravir le douloureux calvaire de tous les mobilisés, essayant par tous
les moyens de faire parvenir de mes nouvelles. J'ai écrit à Marie-Antoinette, à l'oncle Théo,
j'attends. Aurais-je par eux le bonheur de savoir ce que sont devenus ceux que j'aime ? Le
soir, on vint m'annoncer que je partais le lendemain à 8h30 avec le Commandant pour
Graulhet préparer le nouveau cantonnement, le convoi quitterait Roquecourbe à 12 heures,
soupe à 11 heures. Ce nouveau déménagement est pour moi une grosse désillusion. Installé
dans ce petit coin, bureau et logement confortables, je pensais y rester jusqu'à la
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