Page 18 Memoire_Daveloose
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parc. On trouva pour garer les voitures, une prairie et la cour d'une ferme, de l'autre côté de
la route, une autre ferme face à la prairie où l'on put loger, dans une grange, les hommes. A
coté, un hangar était tout désigné pour la cuisine et une vaste chambre faisant partie de
l'habitation, se prêtait pour y installer les sous-officiers. Ce travail terminé, on se mit en devoir
de satisfaire notre estomac. Il était 15h30. Pour ce repas, on put obtenir du camion de la
cuisine qui nous avait suivi depuis Roffiac, une partie de gigot entamé la veille. Nous étions
au milieu du déjeuner lorsque la colonne arriva. Quittant le Commandant, j'allais donner mes
instructions pour revenir au café continuer le repas. Autour de la table se trouvaient déjà
installés les officiers qui avaient commandé et amené le convoi. Quand j'eus terminé, j'allais
une corvée de paille pour le coucher des hommes. Dans la pièce que je m'étais réservé pour
les sous-officiers, il y avait un lit. Avec l'autorisation des fermières, je fis déposer sur le
plancher les deux matelas qui servirent de couchette à Sam, Tillié, Bartier et moi-même. Le
soir arriva, l'heure de la soupe sonna et nous pûmes dîner confortablement dans notre
chambre grâce à l'amabilité de nos hôtesses qui nous ont donné : table, chaises, vaisselle et
couverts. Sans se presser on mangea de bon appétit ; puis une petite promenade nous
permit de visiter le village. Il était composé d'une seule rue longue de 5 à 2 kms. Après quoi,
on réintégra le logis heureux de pouvoir s'allonger et dormir sur un matelas.
Samedi 22 juin
Rien à signaler, journée de flânerie pour l'ensemble des hommes, attente anxieuse à l'heure
des émissions. Causeries pessimistes sur les copains qui ne nous avaient pas rejoints.
Longues rêveries sur nos êtres aimés, grande tristesse dans bien des cœurs. J'ai pu durant
ces deux jours de cantonnement, m'occuper en partie dans la chambre des écritures de
bureau de la Cie ce qui m'a permis de trouver le temps moins long que les autres. J'en étais
heureux car ce n'était pas le moment d'être abandonné à mes songes et de me laisser
transporter dans ce petit coin du Nord où j'avais laissé mes adorées et ceux que j'aimais.
Quand, par malheur, je laissais s'envoler mes pensées vagabondes vers ces lieux qui connut
mes amours, mon bonheur, je me laissais aller au chagrin et au cafard, mauvaise disposition
d'esprit pour les soldats opérant une retraite.
Dimanche 23 juin
Après une bonne nuit, lever à 5 heures car nous devions quitter le cantonnement dès 6
heures suivant les instructions reçues la veille du capitaine, lequel nous avait comme de
coutume rassemblés pour nous communiquer le nouvel itinéraire : LAFEUILLADE-EN-
VEZIE, LACAPELLE DEL FRAISSE, GRANDVABRE, SAINT-CYPRIEN-S/-DOURDOU,
NAUVIALE, MARCILLAC, COUGOUSSE, PONT-LES-BAINS, SALLES-LA-SOURCE,
RODEZ, LA MOULINE, LA PRIMAUDE, LE LAC, BARRAQUEVILLE, CARCENAC, LA
MOTHE.
Arrivés dans ce patelin, le chef d'escadron devait décider de l'endroit du cantonnement.
J'avais espéré, n'ayant pas été commandé , échapper à la corvée de cantonnement, mais
non, la colonne formée, j'étais bien installé dans notre voiture, à l'abri de la pluie, lorsque l'on
vint m'annoncer que je devais accompagner le Commandant. Je repris donc la place
désignée derrière la voiture du chef d'escadron qui, en tête de convoi, suivait celle dans
laquelle je me trouvais. Derrière la nôtre, venait celle du Capitaine Moulet accompagné de
Tillié. Il était exactement 6 heures du matin quand nous quittions ce petit village où, de prime
abord, les paysans nous montraient des visages peu rassurés, presque hostiles, mais que
les poilus déridèrent avec des achats de toute sorte. A La Feuillade, comme en bien d'autres
endroits, le soldat est estimé, non pas pour sa nationalité, mais pour son argent. C'est ainsi
que les femmes qui nous avaient donné l'hospitalité, faisant tâche sur l'accueil peu
chaleureux de leurs voisins, nous ont montré plus d'affabilité et au moment des adieux nous
donnèrent quelques savons de toilette, bienvenus en ces temps difficiles.