Page 19 Memoire_Daveloose
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Après avoir quitté le village, nous nous engagions dans une région montagneuse et boisée
qui semblait bien triste sous la pluie qui ne cessait de tomber. Par des chemins sinueux de
montagne aux dangereux virages en épingles à cheveux, nous arrivons sur un sommet où un
barrage nous fit stopper. Pendant que nos officiers montraient leur ordre de mission et
parlementaient avec le chef de garde, Tillié ayant apporté du café crème (au lait de chèvre),
nous en avons profité pour en absorber un grand verre. Le Lieutenant des Chasseurs Alpins
donnant l'autorisation de poursuivre notre route, notre randonnée reprit à une vitesse
accélérée. Nous laissions derrière nous la colonne qui, peu à peu, disparaissait à notre vue.
Brusquement, le ciel se dégagea, les nuages disparurent totalement, le soleil réapparut
donnant un air de fête à ce joli coin de France. Cela nous permit d'admirer en détail, les
beautés et les sites merveilleux de cette région ; ce qui nous frappait c'est que la roche, la
terre, l'eau des cours d'eau, ont une teinte rouge brique. Après avoir traversé à vive allure
des endroits très coquets, lieux de villégiature où des gens heureux se reposaient attendant
que l'orage qui s'abattait sur les peuples fut passé, on arriva à Rodez vers 9 heures du matin.
Le Commandant nous quitta pour aller prendre les ordres du bureau de la place et signaler
son passage. Durant son absence, le Capitaine Moulet, Tillié, l'agent de liaison et moi-même
allèrent prendre le petit déjeuner dans un café près de la Cathédrale. Café, crème et
croissants frais, cela faisait du bien.
Au retour de notre officier supérieur, il était 9h45, c'était reparti. Nous traversions cette ville
très animée, constatant que la guerre n'avait pas encore laisser de traces, vu l'insouciance et
la bonne humeur de sa population. Traversant la Grande Place, on ne fut pas peu étonnés,
même attristés, que dis-je, écœurés de voir que la foire était installée. On roula sans arrêt
jusqu'à La Mothe où l'on fit une halte très courte, juste le temps de consulter la carte et de
relever le nom d'un petit patelin qui semblait propice au cantonnement. Après consultation, il
fut décidé que je resterai avec la voiture, en compagnie du chauffeur, en bordure de la route
départementale afin d'arrêter le convoi à son arrivée et l'acheminer vers l'endroit choisi. Nous
étions au carrefour depuis environ 20 minutes, bavardant avec un groupe de paysans,
lorsqu'on vit revenir de Pampelonne, les officiers qui nous déclarèrent que l'endroit ne
convenait pas. On rebroussa donc chemin pour reprendre la route nationale et aller vers
Naucelle, fin de cette étape. A la jonction de la grande route, je restais pour guider la colonne
à son arrivée.
La pluie à nouveau se remit à tomber abondamment. Heureusement pour nous, nous
n'étions pas dans un bled et l'on s'installa confortablement dans un café. Comme il était 11
heures, on prit l'apéritif et l'on décida de se restaurer en attendant le gros de la troupe. Le
chauffeur tira de sa voiture une boîte de sardines et une boîte de cassoulet, on s'arrangea
avec le patron qui nous fournit pain et couverts. On mangea de bon appétit, le tout arrosé
d'un bon vin blanc et d'un vieux vin rouge. On finissait notre café arrosé de marc quand la
colonne arriva et on l'amena à Naucelle sous la pluie incessante. Bien nous en a pris d'avoir
déjeuner, car étant donné l'heure et, comme on le prévoyait, on ne fit aux hommes que la
traditionnelle distribution de pain, saucisson et pinard.
Alors que nous étions à attendre au croisement des chemins, ceux qui nous avaient
devancés avaient préparé le cantonnement. Tillié avait réservé les chambres pour les
officiers et les sous-officiers chez l'habitant. Suivant le plan de l'ami Etienne, j'étais logé en
compagnie de Bartier chez des demoiselles du nom de Jourdain. Après avoir repéré l'endroit
de la cuisine déjà installée, grâce au zèle de nos cuistots et du Maréchal des logis Hocquet,
dans une cour d'habitation assez grande, on chercha un bistrot où l'on pourrait regrouper les
sous-officiers pour les repas. On le trouva facilement, les tenanciers nous offrant, moyennant
consommation et rétribution pour le service, verres vaisselle et couverts. Après avoir bu
quelques chopines de vin rouge et remercier ces braves gens, on repartit vers la place où on
avait garé les voitures; dans notre voiture, on prit la musette avec le nécessaire de toilette et