Page 24 Memoire_Daveloose
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17 courant et voir démobiliser des gars, beaucoup plus jeunes que moi, ne me fait pas
sourire. Je jalouse leur bonheur et envie leur retour au foyer.
Lundi 29 juillet
Je ne croyais pas que cette journée m'aurait procuré une telle joie, au point que cela me fit
mal. J'étais, comme de coutume, au travail, lorsqu'on me rapporta une carte de l'oncle Théo
et une lettre de Montauban. Ce qui s'est passé en moi, impossible de le décrire. J'étais
heureux et je craignais le pire comme le meilleur, je me sentais transporté de joie et, en
même temps, mon cœur était envahi de tristesse, mes yeux se remplissaient de larmes et je
tremblais au point de ne pouvoir lire la carte convenablement et n'étais pas sûr de
comprendre ce que je lisais. Sentant que je ne m'en sortirai pas, je confiais à Bouchez le soin
de la lire à ma place à haute voix. Alors j'appris, oh! bonheur, qu'à Hem tout le monde est en
bonne santé. Alors, je décachetais la lettre de ma belle-sœur. En la retirant de son
enveloppe, je remarquais un papier bien connu de moi, celui employé par ma femme aimée.
N'écoutant plus ce que lisait à haute voix le copain, je dévorais ces quelques lignes tracées
par la main adorée et m'apportant de si bonnes nouvelles. Je sentais couler dans mon
pauvre cœur depuis si longtemps meurtri, ce fluide de bonheur qui le réchauffait et le
guérissait. Je ressentais une joie immense qui me débarrassait de mes craintes et de mes
affreuses pensées. Je n'étais plus le même homme, ce bout de papier et cette carte avaient
opéré une transformation quasi surnaturelle. J'avais le sourire, l'envie de chanter une
romance me tenait tellement que sans la présence des copains, je me serais laissé aller.
Las, les copains du Nord accourus n'avaient toujours pas de nouvelle des leurs. Mais le
bonheur complet n'est pas de ce monde et je fus pris aussitôt d'un grand et ardent désir,
celui de savoir les miens rassurer sur mon sort et celui de Pierre. Alors le bonheur sera total
puisqu'il existera dans nos cœurs à tous ; pour cela je m'y emploie et essaye tous les
systèmes possibles.
Mardi 30 Juillet
Dés 8h30 du matin, j'appris que Tillié et Louradoux avaient reçu de leur épouse une longue
lettre, donnant des détails et précisant même qu'elles avaient évacué jusqu'à Saint-Pol
s/Ternoise. Je dois dire que ces missives étaient parvenues indirectement à destination. En
lisant ces lignes, la pensée que vous aussi, mes êtres chers, vous aviez pu évacuer
m'assaillit aussitôt, mais après réflexion, je la rejetais puisque sur la lettre de ma femme
aimée, lue la veille, il n'en était pas question. J'espère que, demain, j'aurais la grande joie
d'avoir, à mon tour, pour moi seul, un message qui viendra m'apporter l'assurance que ceux
que j'aime ne sont plus inquiets.
Mercredi 31 juillet et jeudi 1er août
Journées d'attente, conformes aux précédentes.
Vendredi 2 août
Le début de cette journée fait un homme heureux. C'est Bouchez qui, à son tour, a reçu une
longue lettre de sa femme qui le rassure sur la vie en zone occupée. Toute la famille du
copain est en excellente santé et la lettre ne mentionne nullement qu'une évacuation a eue
lieu. Je m'en réjouis et remercie Dieu d'avoir exaucer mes souhaits. Demain sera
probablement le jour qui m'apportera une longue missive. En attendant, je profite des tuyaux
donnés aux copains pour joindre un mot pour mes aimées, dans leurs envois. J'espère que
ces dernières en seront touchées.