Page 40 Memoires de guerre 1914 1918
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Pierre Charmoy





Les jours passaient, tant et si bien, qu’un beau jour je quittai Toulouse nanti
d’un congé de convalescence de huit jours et rejoignis au Mans le dépôt de mon régi-
ment qui était devenu le 104 d’artillerie, ce devait être fin juin ou début juillet. Au
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Mans je me trouvais avec des appelés de mon âge, tous parisiens, de vrais parisiens des
faubourgs, ouvriers, apprentis de tous métiers, des types en général très amusants, bon
cœur et parlant argot naturellement et pas pour épater le monde, c’est un langage drôle,
vivant, auquel je me suis mis rapidement. J’eus tout de suite de bons camarades.
On formait un groupe de 155 court Schneider, on m’y incorpora comme télé-
phoniste naturellement et chargé d’apprendre le métier aux autres. C’était l’été, il faisait
beau, nous pouvions sortir le soir après la soupe, c’est-à-dire après cinq heures, le diman-
che nous faisions du bateau sur la Sarthe, à moins que ne soit l’Huisne et cassions la
croûte sur le bord de la rivière en buvant du cidre bouché. J’apprends par hasard qu’un
renfort doit partir pour mon ancien groupe ; je fonce chez le colonel, lui demande d’en
faire partie, ai satisfaction, et équipé de neuf suis dirigé sur Verdun.
Je débarque à… Landrecourt (n’en suis pas sûr) où se trouvait notre échelon et où
je savais se trouver également mon oncle Charles Peltier, médecin à deux galons dans un
hôpital. Ayant du temps libre, je me mets à sa recherche et ai la chance de tomber sur lui,
plutôt stupéfait, de me trouver là. Après avoir bavardé, je rejoins l’échelon et le soir venu
pars avec les voitures, toujours à chevaux, portant le ravitaillement au groupe. Je retrouve
mes camarades, stupéfaits aussi de me voir et retrouve ma place au milieu d’eux. Ils sont
installés dans une cave du faubourg pavé, sur le bord de la route qui va à Étain.

































Par extraordinaire, le coin est peu abîmé, mais toutes les nuits la route d’Étain,
par où passent tous les convois ravitaillant le front est durement bombardée, et au petit
jour il faut ramasser les morts et enlever les chevaux tués. Certaines nuits il y a eu de
vrais massacres .
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