Page 34 Memoires de guerre 1914 1918
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Pierre Charmoy





Par contre je vois encore nettement l’obus tombant au milieu des chasseurs à
pieds, la clique tambours et clairons fauchée au milieu des petits sapins, les coloniaux
morts suspendus sur les buissons, leur fusil sous eux, semblant encore tirer et combat-
tre. Je revois très bien les endroits où deux d’entre nous furent blessés et je me souviens
bien de la nuit où nous sommes allés chercher le corps du capitaine Hennique tué à
l’observatoire avec notre maréchal des logis Bernauer et les avons ramenés près de la
batterie pour les enterrer – deux lieutenants tués en même temps.









































L’intensité des combats diminuait, nous pûmes faire quelques abris bien légers
mais à peu près étanches à la pluie. Le temps du reste s’améliora et les combats repri-
rent plus à droite pour la prise de la butte de Tahure. Les pertes en hommes avaient été
énormes pour bien peu de terrain conquis, chaque armée pansait ses plaies, le calme
revint et fin octobre ou début novembre nous quittâmes le front pour aller au repos.
Nos pertes n’étaient en rien comparables à celles de l’infanterie mais les batteries avaient
perdu pas mal de monde, une surtout qui s’était portée trop en avant, de nos douze télé-
phonistes il en manquait quatre, il manquait beaucoup de chevaux, ceux qui restaient
étaient épuisés ; le calme était revenu, nous n’avions plus grand chose à faire.
Un fait divers dont je me souviens bien : les lapins de garenne étaient nombreux
quand nous sommes arrivés sur les anciennes positions allemandes, du côté français il
n’y en avait plus depuis longtemps, et en trois jours tout fut liquidé. J’en poursuis un
qui affolé file dans un trou assez grand puisque j’ai pu y rentrer aussi à plat ventre,
naturellement plus de lapin mais après deux ou trois mètres de reptation j’atterris dans




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