Page 29 Memoires de guerre 1914 1918
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mémoires de guerre (1914-1918)





Les seuls moyens de communication, en dehors des lettres, étaient donc le télégraphe
et surtout le téléphone. Il y avait un régiment de génie, le 8 , spécialiste dans les trans-
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missions, mais il ne travaillait qu’à l’arrière, mais dans les règles de l’art : poteaux isola-
teurs, etc. Les unités combattantes devaient se débrouiller elles mêmes, avoir leur matériel
et leurs téléphonistes. Matériel : en 1915, il était encore sommaire, tableaux centralisa-
teurs où un petit volet de métal tombait quand on vous appelait – une explosion un peu
proche les faisait tomber tous en même temps – postes appel-réception lourds, encombrants,
comportant un combiné, une magnéto pour les appels, un timbre qui grelottait quand on
vous appelait, le tout enfermé dans une sacoche rectangulaire en cuir avec couvercle (envi-
ron 29 x 15 x 20 cm). Neuf, ça allait, mais à l’usage, l’humidité causait des courts circuits
et on entendait et transmettait mal ou pas du tout. Le fil dont on se servait pour poser les
lignes était en cuivre, quelquefois en acier gainé de caoutchouc et recouvert d’une tresse de
coton imprégné et noir. Les bobines étaient, je crois, de 300 ou 400 mètres, fil de 2 à 3 mm
diamètre, elles étaient montées sur axe amovible engagé dans un cadre métallique qu’on
tenait à la main. Quant aux téléphonistes, ils devaient savoir lire, écrire, être débrouil-
lards, bien portants et aussi courageux à certains moments. Il existait une liaison télépho-
nique entre le commandant et ses batteries, le commandant et la division dont il recevait
les ordres, l’échelon où étaient les attelages et les voitures, enfin chaque batterie était reliée
à son observatoire qui lui permettait de régler ses tirs. Nous étions en subsistance à la
51 batterie et nous travaillions avec ses téléphonistes en particulier pour l’observatoire
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dont la ligne était souvent difficile à entretenir. Pour poser une ligne, on partait à deux,
l’un portant la bobine qui se déroulait au fur et à mesure qu’on avançait, l’autre plaçant
au mieux le fil sur des branches, sur des buissons, quelquefois dans une rigole. Les observa-
toires étaient souvent dans les tranchées d’infanterie. Le fil était alors fixé contre la paroi
du boyau d’accès puis de la tranchée. Supposons un réglage de tir, il y a une ligne entre
l’observatoire et le central téléphonique, tout va bien, on peut causer. Tout d’un coup,
plus rien, le fil est coupé ou cassé. Un téléphoniste part en suivant la ligne jusqu’à ce qu’il
ait trouvé la cassure, il la répare, s’assure que la communication est rétablie, revient…
et repart si besoin est. Une ligne d’observatoire avait souvent 3 km dont un dans les
tranchées. Le jour en général, il avait peu de circulation et seules les explosions d’obus
coupaient les fils, mais la nuit, les pistes, les boyaux, les tranchées étaient parcourues par de
nombreuses corvées apportant tout ce dont avait besoin le combattant de première ligne :
rondins, tôles ondulées, rouleaux de fil de fer, munitions, vivres, etc. Et bien souvent les
lignes ne résistaient pas à ces passages répétés de centaines d’hommes. Chaque matin on
réparait les lignes cassées pendant la nuit. Quand le secteur était agité, les bombardements
étaient nombreux et naturellement c’est là où tombaient les obus que les lignes étaient
coupées, c’est pour cela que j’ai dit que le téléphoniste devait être courageux pour faire
correctement son travail. Les lignes allant vers l’arrière, étant moins vulnérables, étaient
d’un entretien plus facile. Par la suite le matériel s’améliora, les postes téléphoniques
devinrent plus légers et plus robustes, le fil fut remplacé par du câble plus gros et mieux
isolé, mais chaque bobine de 1 km pesait 43 kg et je me souviens avoir été très fier le jour
où j’ai réussi à porter ma bobine en terrain plus que varié pendant un kilomètre.



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