Page 59 Memoires de guerre 1914 1918
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mémoires de guerre (1914-1918)





terre, un éclat avait coupé leurs courroies. Quand on me déshabilla à l’hôpital, je vis
que ma veste et ma chemise avaient été coupées par cet éclat sous l’aisselle et je n’étais
même pas égratigné. Ma blessure ne saignait pas beaucoup et ne me faisait pas mal, je
pus admirer la bonne organisation et l’efficacité des secours. Rapidement je fus amené
au poste de secours d’infanterie où on me fit un pansement, de là on m’emmena sur un
brancard jusqu’à un poste de secours plus important d’où une petite camionnette me
transporta avec d’autres blessés dans un hôpital installé dans une des nombreuses grottes
de la région. Là, piqûre anti-tétanique, re-pansement et en route pour un HOE , près
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de Fismes. Il fallait traverser l’Aisne au pont d’Ailly toujours bombardé, il fallait faire
vite pour passer entre deux rafales. Cet HOE était très important et n’avait pas été
bombardé. Depuis le 16 il avait vu passer des milliers de blessés.
On me descend, on me lave, on me fait une fiche et je prends la file pour être
opéré. Mon tour arrive et je me réveille ensuite tout nu dans un lit. Quand on vous
extrayait un éclat, on le mettait dans une gaze qu’on vous attachait autour du cou. Je
porte la main à mon cou, pas de collier, j’avais toujours mon éclat. J’avais été blessé vers
dix heures du matin, à dix heures du soir j’étais à l’hôpital, bien soigné, opéré. Chapeau !
Le lendemain on me donna une chemise, le major passa me voir, me confirma qu’on
n’avait pas pu enlever mon éclat et fut très gentil avec moi. Je souffrais très peu, les
pansements n’étaient pas pénibles, pas de fièvre ; au bout de trois jours on me monta
dans un train sanitaire.
Cette fois j’atterris à Flers de l’Orne, dans un hôpital auxiliaire avec médecin et
infirmiers bénévoles, installé dans une petite école. Malgré mes protestations, le toubib me
fit une nouvelle piqûre anti-tétanique – la troisième en un an et demi – qui me rendit
malade comme une bête (accident anaphylactique), cuisse énorme, rouge, douloureuse
et forte fièvre. Cela dura plusieurs jours où je n’étais pas à la noce, enfin ça se tassa et
commençai à me lever. Maman et Yvonne étaient venues me voir et sont restées plusieurs
jours. Je pouvais sortir l’après-midi avec elles.

































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