Page 50 Memoires de guerre 1914 1918

Pierre Charmoy

Donc, dans les premiers jours de janvier 17, les chevaux vinrent chercher les
canons, les munitions, tout le matériel téléphonique et autre, et en route pour une desti-
nation inconnue. Les hommes avaient la vie dure, de leur côté les chevaux n’étaient
pas mieux lotis, toujours sans toit au-dessus d’eux et sous la pluie, le froid la neige.
Celle-ci s’était mise à tomber, il y en avait une bonne couche, la nuit il gelait. Tous les
véhicules étant lourdement chargés, nous allions à pied et les chevaux avaient bien de
la peine à avancer. Dès le deuxième jour il y en eut qui tombèrent épuisés, on dut en
abattre, c’était lamentable . Il neigeait toujours, notre convoi long de plus d’un kilo-
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mètres traînait dans ce paysage plein de brouillard et de neige, je pensais à la retraite
de Russie, heureusement il n’y avait ni cosaques ni Bérézina. Notre voyage dura sûre-
ment bien plus que prévu à cause des pauvres chevaux. La nuit nous couchions dans des
granges, des greniers de ferme, partageant nos vivres avec nos hôtes généralement plus
que modestes. Je ne sais plus quel itinéraire nous avons suivi, je me souviens seulement
d’une halte de deux ou trois jours à dans une ferme bien pauvre à Vitry en Perthois. La
neige cessa enfin de tomber, la route devint moins pénible et nous finîmes par arriver
au but, on nous mettait au repos à Saint Illiers, petit pays pas loin de Provins. Dès
l’arrivée, chacun se débrouilla et avec mon ami Mustelier nous trouvâmes un lit à par-
tager chez le préposé aux PTT. Ce mois de février 17 fut terriblement froid, il gelait à
-20° toutes les nuits, le pain, la viande, les pommes de terre nous arrivaient gelés, on
devait débiter les quartiers de bœuf à la hache et à la scie. Malgré cela, personne ne se
plaignait, chacun avait trouvé une combine pour ne pas mal manger et bien dormir.
Saint Illiers était à 80 km de Courtenay et je pus voir mes parents et ma sœur Yvonne
plusieurs fois.

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