Page 82 Memoires de guerre 1914 1918
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Pierre Charmoy
« La fabrication des bagues de tranchées a été, sur bien des points du front le grand passe-
temps de nos poilus, pendant ces longs mois passés dans les tranchées. Il se produisit ceci,
qu’à certains moments, comme on manquait d’aluminium, les hommes attendaient impa-
tiemment le prochain bombardement qui leur fournirait la matière première indispensable.
Lorsque quelques obus tombaient, on voyait les soldats se précipiter pour rechercher les
fusées nécessaires à la reprise du travail. » (Revue L’Illustration, 3 juillet 1915).
5. à L’automne 1915, le haut-commandement français avait engagé une offensive combinée en
Champagne et en Artois destinée à percer les lignes allemandes et à créer ainsi une rupture du
front. L’action principale est déclenchée en Champagne.
Le 25 septembre, la 28 Brigade constituée par les 35 et 42 régiments d’infanterie basés
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avant la guerre à Belfort, est montée à l’attaque des hauteurs dominant la rivière Py sur un
terrain très boisé, détrempé et barré d’un réseau dense de barbelés. Dès le début de l’attaque,
les pertes sont élevées.
Le 26 septembre, la 28 Brigade a reçu pour mission de s’emparer du plateau des Tantes
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situé à l’ouest de la ferme de Navarin, où les Allemands s’accrochaient dans une tranchée
hérissée de barbelés et de mitrailleuses. Les combats ont été acharnés et la nuit venue, elle a
du se replier.
Le 27 septembre, la 28 Brigade, lancée à nouveau dans la bataille, est parvenue à
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s’emparer à s’emparer de la tranchée des Tantes sur une largeur d’environ 500 mètres.
Le 29 septembre, elle fait face à une contre-attaque allemande très meurtrière.
Le 30 septembre, après six jours de combat, la 28 Brigade avait perdu :
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– 1 133 tués et disparus, dont 39 officiers.
– 1 362 blessés, dont 48 officiers.
L’offensive française du 25 septembre en Champagne, appuyée par le tir de 2 500 pièces
d’artillerie sur un front de 23 km, se termina le 29 septembre. L’infanterie (mais aussi la caval-
erie qui fait une de ses dernières charges…), emporta la première ligne de tranchées allemandes,
mais se heurta à la deuxième, 4 km plus loin. Le front ne bougea finalement que de quelques
centaines de mètres. Les pertes françaises furent estimées à 138 576 hommes tués ou blessés,
pertes à peu près identiques du côté allemand. (C’est durant cette offensive, le 26 septembre,
que Blaise Cendrars, engagé dans la légion, fut blessé et amputé du bras droit.)
6. « L’enfer, ce n’est pas le feu. Ce ne serait pas le comble de la souffrance. L’enfer, c’est la boue. »
(La Mitraille, journal du front, 1915) ; « L’eau, le froid la nuit, la boue. Oh ! La boue, la boue
surtout, voilà le cauchemar du troupier. » (Revue L’Illustration, juillet 1915).
7. « De la route d’étain descendent de pleins tombereaux de cadavres. Par-dessus les côtés,
parfois, apparaît une jambe raide, ou un bras, ou une tête ; il y a également des corps sans
tête. Les territoriaux n’arrêtent pas de creuser des tombes. » (François R., 266 R. I.)
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8. « … le moutonnement innombrable et infini des trous d’obus, le pullulement des entonnoirs
et des cratères qui se chevauchent et s’épousent, sans que rien subsiste de ce qui est la vie –
ni le plus maigre buisson, ni la plus humble plante, ni le plus petit arbrisseau. à la lettre, il
n’y a pas un brin d’herbe dans ces solitudes… Ce désert est hanté par une multitude d’êtres
humains qui sautent de trous d’obus en trous d’obus, filent le long des pistes et des vagues
cheminements, se tapissent dans des tanières et des trous… » (L. Kremer, lettre du front).
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