20 octobre 1944

Monsieur le Maire d'HEM

à

Monsieur le Préfet du Nord (4è Division LILLE)

Monsieur le Préfet,

J'ai eu connaissance des intentions du Commandant britannique de détruire sur place les munitions du Château OLIVIER, dépôt allemand à HEM, qui a partiellement explosé le 2 septembre 1944.

Je dois vous déclarer que nous ne voyons aucune raison valable à l'exécution de ce projet.

Des caisses d'obus intactes, des caisses de munitions francaises d'infanterie, des bombes existent toujours en très grande quantité.

Pourquoi détruire ces munitions ? Je n'y vois aucune raison, si ce n'est celle de donner satisfaction à quelques pétitionnaires ignorants qui, croyant les Français incapables se sont adressés à nos bons amis Britanniques qui, je pense poussent trop loin le scrupule de satisfaire les demandes de leurs hôtes.

Depuis les explosions, des milliers d'obus éparpillés à 5 et 600 mètres ont été rassemblés par une équipe de désobusage qui travaille encore.

Les mines (une trentaine) placées au milieu de tas de caisses de munitions ont été enlevées par moi-même (Capitaine d'artillerie et les artificiers - Un spécialiste du service intéressé (Coincy) était présent.

Ici se place la pétition intempestive adressée directement aux Britannique, à mon insu.

Des artificiers anglais sont venus enlever les fusées des bombes. A l'exception de 4 d'entre elles ( 2 de 1.000 Kgs et 2 de 500 Kgs) toutes les bombes sont désamorcées. Il n'y a donc aucun danger à redouter de ces munitions qui, manipulées pendant 4 ans n'ont jamais causé d'accident, à plus forte raison, si on n'y touche pas.

Les deux dépôts de munitions sont gardés par les F.F.I. à la Marquise, par la Police à la Lionderie et personne n'y pénètre.

Le Commandent F.F.I. fait procéder au reclassement des munitions infanterie et artillerie en vue de leur futur emploi.

Je sais quil restera les bombes non utilisables. Leur transport en un lieu éloigné de toutes habitations ne doit souffrir aucun inconvénient (Les Boches les transportaient en camion jusqu'aux aérodromes) pourquoi les feraient-on exploser au milieu d'une agglomération qui devrait évacuer sur un rayon de mille mètres (cest-à-dire la ville d'Hem au 3/4, une partie de Roubaix dont les habitations du Boulevard de Fourmies, Lannoy en entier et Lys à 1/2.

Les habitations d'Hem ont souffert du souffle, 900 toitures et les fenêtres ont été enlevées. Actuellement, 600 maisons sont rendues habitables grâce à nos efforts et à l'ardeur de la population, 7 écoles abritent 1200 élèves se trouvent à moins de 500 mètres dont quatre, à moins de 200 mètres.

La lourde tâche qui a incombé à la Municipalité dans la répétition des secours d'urgence est maintenant achevée. Il faudra donc recommencer. La population ne verrait sans grande émotion et une certaine révolte que ses efforts et ceux de la municipalité, qu'elle apprécie, j'en suis sûr, fournis depuis le 2 Septembre pour relever les ruines, soient réduites à néant. Il faudrait encore trouver du verre, des tuiles, du bois.

Je vous propose de laisser s'opérer le reclassement des munitions, de les laisser à la disposition de l'autorité militaire Française qui les a d'ailleurs prises en charge.

Et si, on juge les bombes dangereuses pour la population d'HEM, de les faire transporter en un lieu désert pour les y détruire. Ce transport pourrait être confié à des S.S. prisonniers (les allemands ne se gênaient pas pour obliger nos civils à ce travail). En ce qui me concerne, je préfère sacrifier quelques S.S. plutôt que la quiétude de la population d'HEM qui a tant de mal à relever ces ruines.

Je ne saurais terminé ce rapport sans vous demander de bien vouloir être mon interprète auprès du Commandement Britannique pour lui demander de reconsidérer son projet et pour le remercier bien vivement de l'aide qu'il a si généreusement et si spontanément apporté à la protection de notre ville en nous prêtant ses artificiers ?

Je serais heureux, Monsieur le Préfet, de connaître au plus tôt la solution qui sera donné à une question aussi angoissante.

Le Maire,
Pierre DUCHATELET